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Les Crises (1/5) : « Accompagner dans le deuil d’une entreprise »

Sociétal
mardi 27 mai 2025
Par Luce Garderes

L'association 60.000 rebonds aide les chefs d'entreprise à rebondir après un échec. | Photo fondation-entreprendre.org

Armelle Coudène est coordinatrice de développement territorial pour l’association 60 000 rebonds. En France, liquider une entreprise figure parmi les échecs les plus douloureusement vécus. La responsable expose la méthode et les outils développés par le collectif pour aider les entrepreneurs à se remettre en selle

« On essaie de faire bouger les lignes, pour changer le regard sur l’échec en France », résume Armelle Coudène, coordinatrice de développement territorial pour l’association 60.000 rebonds dans les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées et les Landes, créée en 2017. Elle déplore notamment la vision sociétale péjorative portée sur les liquidations d’entreprises : « L’échec est perçu de manière très différente aux États-Unis et dans les pays anglo-saxons : si tu n’as pas planté une boîte, on ne te prête pas d’argent. Car le fait d’avoir échoué est vu comme courageux. En France, c’est le contraire ! Chez nous, c’est suspect. »

Deux perceptions opposées qui, selon Armelle Coudène, expliquent dans notre pays le triste phénomène baptisé « trois D », à savoir : « dépôt de bilan, dépression, divorce ». « 60.000 rebonds a été créé à Bordeaux par Philippe Rambaud, qui était cadre dirigeant chez Danone, retrace-t-elle. Puis il s’est lancé dans une agence marketing qui comptait 20 salariés, mais qui a été liquidée lors de la crise financière de 2008. Il a mis des années à s’en remettre. » L’homme connaît alors un épisode dépressif. « Quand il a voulu se faire aider, il n’a trouvé personne, poursuit la responsable. Donc il a créé l’association : « 60.000 » c’était le nombre annuel de défaillances d’entreprises à l’époque. »

Depuis, 60.000 rebonds s’est développée un peu partout en France. Ses dix antennes territoriales – il y en a trois en Nouvelle-Aquitaine – dépendent d’une fédération nationale, dont le siège est à Lyon. L’association compte aujourd’hui 1.800 bénévoles et 35 salariés. « On prévoit d’être présents dans 70 villes et d’ouvrir 20 antennes de plus d’ici 2030 », complète Armelle Coudène. L’association fait partie du collectif le Portail du rebond des entrepreneurs.

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Actuellement, environ 120 chefs d’entreprises de la région sont accompagnés, dont 35 pour l’antenne locale. La méthode mise en œuvre par les intervenants repose sur un accompagnement de proximité. « Là, on croule sous les demandes, révèle la coordinatrice. Les chiffres ont augmenté tous les ans depuis le Covid, et depuis fin 2024, la situation se tend. Avec le contexte géopolitique mondial, la prospective n’est pas radieuse : les défaillances vont augmenter. »

« Leur redonner confiance »

Le dispositif, désormais bien rôdé, peut durer jusqu’à deux ans et comporte deux volets : individuel, chaque personne étant épaulée par un coach et un parrain. Et collectif, avec des groupes d’échange visant à mettre en perspective le vécu de chacun. « Le coach sert à restaurer la dimension personnelle du dirigeant, détaille la responsable. Et en binôme avec lui, le parrain – un chef d’entreprise en activité ou retraité –, instaure une relation de pair à pair afin d’aider l’entrepreneur à piloter un plan d’action autour d’un projet professionnel. »

Du sur-mesure indispensable tant les difficultés à surmonter se révèlent souvent immenses. « Leur expérience est un atout pour aider le futur employeur, souvent accablé par la honte. Et c’est encore pire quand il s’agit d’une entreprise familiale. On entend souvent dire « J’ai planté la boîte ! », par des dirigeants honteux. Il s’agit de leur redonner confiance. Mais aussi de les amener à comprendre ce qui s’est passé, avec lucidité. Pour les accompagner dans le deuil d’une entreprise. »

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Le versant collectif de l’accompagnement prévoit une réunion mensuelle visant à faire le point sur les besoins, en présence d’avocats, d’experts-comptables ou encore de banquiers, qui sont là pour apporter leur expertise et leur aide. Également au programme, un atelier de codéveloppement, et des ateliers techniques adaptés à chaque situation, pour monter des dossiers de caution bancaire, ou de surendettement par exemple.

Entreprises de toutes tailles

Côté chiffres, l’association avance 88 % d’entrepreneurs qui rebondissent par la suite : 33 % d’entre eux repartent dans l’entreprenariat, et 67 % comme salariés. Avant la crise du Covid, c’était plutôt 50 % / 50 %, mais le contexte économique suscite des craintes, d’où la part croissante d’ex-chefs d’entreprises qui optent pour un statut d’employé. « Certains sont acculés par des dettes. Or ils ne peuvent pas toucher d’indemnités chômage, et ils ont besoin de retrouver des revenus rapidement, au moins pour les dépenses courantes (maison, voiture, etc.) », précise Armelle Coudène.

Les profils de ceux qui font appel aux services de l’association 60 000 rebonds ont beaucoup changé. Auparavant, les très petites entreprises formaient le gros du peloton, mais désormais, toutes les tailles et tous les secteurs d’activité affluent. « Architecte, paysagiste, boulanger, société de nettoyage industriel, agence immobilière, négoce en gastronomie, boîte de métallurgie, recyclage de déchets, gestionnaire de centre auto », liste la coordinatrice locale. Qui tient à préciser : « Nous ne sommes pas spécialisés dans la création d’entreprise, pour cela il y a France Travail, ou encore l’Apec. Nous intervenons ponctuellement à la sortie du tribunal de commerce, quand les entrepreneurs sortent des radars, ne connaissent pas leurs droits, ni les aides dont ils peuvent bénéficier. Ils se retrouvent isolés, alors nous faisons en sorte de les remettre en selle, et quand un projet émerge, on les oriente vers les structures professionnelles. »

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