Crise agricole (4/6) : se diversifier pour s'adapter au changement climatique ? - Premium

L’agriculture est l’une des principales victimes du dérèglement climatique. Selon un rapport de l'INRAE, l’Institut national de la recherche agronomique, « les aléas climatiques extrêmes et la pression anthropique, fragilisent les exploitations agricoles du territoire. Des changements qui menacent directement la souveraineté alimentaire. » En France, aucun département n'est épargné et les Landes ne font pas exception à la règle. Face à ce constat, certains agriculteurs ou entrepreneurs ont fait le choix de revoir leur feuille de route. C'est notamment le cas de Dimitri Guyot, l'un des trois fondateurs de la société Horizom. En 2022, il a créé sa structure, avec pour ambition d'apporter sa pierre à l'édifice dans la lutte contre le changement climatique. « Avec mes associés, nous n'avions au départ pas de sujet de prédilection, ni de culture en particulier que nous souhaitions favoriser. Nous nous sommes surtout interrogés sur les défis à relever à l'échelle mondiale et nous nous sommes basés sur l'objectif de neutralité carbone à atteindre d'ici à 2050 », raconte t-il. « Cet objectif a deux grandes composantes : la réduction de nos émissions et l'augmentation des puits de carbone, pour le retenir et l'emprisonner. Or si nous voulons réduire nos émissions de carbone, concrètement, nous devons nous passer de la plupart des matériaux et énergies fossiles. Ce qui signifie utiliser moins de pétrole, moins de gaz, de métaux ou encore de béton. Pour les remplacer, nous avons une seule solution : la biomasse, c'est-à-dire la matière végétale », estime t-il. Importer des cultures d'autres pays Une ressource qui « est menacée et pourrait venir à manquer dans les années à venir », selon lui. « Il faut donc trouver des sources alternatives de production de biomasse. Et c'est là qu'intervient le bambou », affirme Dimitri Guyot. « L'intérêt c'est que c'est une plante qui pousse très vite, elle permet donc de séquestrer rapidement du carbone tout en produisant un bois aux qualités techniques intéressantes. » Aujourd'hui, la société Horizom possède son siège social à Lyon ainsi qu'une pépinière dans les Landes, à Magescq où sont produits les plans.À quelques kilomètres de là, Patrick Larrère, producteur et dirigeant de l'exploitation familiale Les Fermes Larrère, a dressé le même constat, celui du changement climatique et de l'urgence qu'il y a derrière, mais avec un cheminement différent. « Ce qu'on sait depuis 20 ans c'est que le climat va changer. Ce n'est pas en débat et nous allons devoir nous adapter. Ainsi, notre réflexion au sein du groupe a été de dire : il se peut que demain nous ne puissions plus produire certains fruits et légumes parce qu'il fera trop chaud ; mais, à l'inverse peut-être que ce réchauffement nous permettra d'en cultiver de nouveaux », explique t-il. Une stratégie que Les Fermes Larrère ont développé au sein des différentes exploitations. « Depuis 2015, nous avons fait des tests pour produire notamment de la patate douce. C'est un produit qui est souvent importé, en provenance de pays plus chauds et que nous commençons à cultiver. Nous avons aussi développé des cultures de gingembre dans une serre photovoltaïque. Ainsi, avec cette installation, on profite de l'énergie du soleil pour avoir une empreinte écologique locale et neutre. » Une serre un peu particulière, selon Patrick Larrère, puisqu'elle permet de recréer des conditions semi-tropicales, notamment en été. « Nous avons un produit qui au final est vraiment intéressant et très différent d'un produit qui a traversé la planète. On a des chefs qui ont goûté et ont beaucoup aimé notre gingembre. Après, il faut comprendre que c'est une production qui est encore très confidentielle par rapport à la consommation française. Tout le monde n'est pas non plus capable d'acheter du gingembre au prix auquel nous le commercialisons. Ce qui est intéressant pour nous, au-delà des quantités vendues, c'est de savoir qu'on est capable de le faire », raconte encore Patrick Larrère. Atteindre des quantités industrielles Du côté d'Horizom, deux premières plantations ont été mises en terre en 2023, sur 10 hectares en tout, chez deux agriculteurs. « Ce sont pour nous des exploitations pilotes. Nous testons plusieurs variétés et nous faisons des batteries de tests », explique Dimitri Guyot. En 2024, une trentaine d'hectares de bambous devraient être plantés dans les Landes, d'ici ce printemps. « En fin d'année, et sur début 2025 nous devrions atteindre les 150 hectares. Nous sommes pour l'instant sur une phase de développement de la ressource puisque c'est une filière très peu présente en France et même en Europe. » Selon le co-fondateur d'Horizom, seulement 2.500 hectares sont implantés en Europe. « Il faut savoir que c'est une plante que nous devons cultiver pendant cinq ans avant de pouvoir la récolter. » Demain, Dimitri Guyot et son équipe espèrent être en capacité de produire des volumes suffisamment importants pour atteindre des quantités industrielles. « Ce n'est pas avec 50 hectares qu'on pourra alimenter une usine de panneaux ou équivalent », affirme le chef d'entreprise. Il le précise, la biomasse sera produite sous forme de plaquettes de bambou. Une matière première qui pourra ensuite être développée sur différents marchés et qui permet aux agriculteurs qui cultivent du bambou, d'avoir plusieurs débouchés. « Sur ces projets, nous accompagnons les agriculteurs tout au long du processus, de l'étude des sols, en passant par l'appui technique, l'approvisionnement et le suivi de l'évolution de la bambousaie. Nous les accompagnons enfin sur la commercialisation de leurs récoltes », égrène t-il. Un modèle que les fondateurs d'Horizom espèrent pouvoir implanter plus largement dans les mois à venir. « L'intérêt est également que c'est une culture qui nécessite peu d'intrants et s'adapte bien aux aléas climatiques. » La boucle est bouclée. De son côté, Patrick Larrère continue de faire des tests, pour développer de nouveaux produits. « Nous faisons régulièrement des essais. Des projets dont je ne peux pas parler encore, mais ce que je peux dire c'est qu'aujourd'hui l'agriculture doit s'adapter, en respectant au maximum la nature, le sol et tout ça, dans l'idéal en montrant l'exemple mais aussi en travaillant en équipe. »