Réemploi : Geev expérimente une première boutique physique en Occitanie - Premium

Après huit ans passés à 100% dans le numérique, le Bordelais Geev met un pied dans le commerce physique… et en Haute-Garonne, à Fenouillet spécifiquement, tout près de Toulouse. Ses cofondateurs viennent de l’annoncer : ils s’apprêtent à ouvrir leur tout premier Geev Shop dans le centre commercial de la commune, neuf mois après avoir finalisé un tour de table de 4,5 millions d’euros. « Le projet était dans les cartons depuis l’été 2023, mais n’était ni signé ni sûr de sortir en janvier, rembobine Hakim Baka, l’un des deux dirigeants. L’opportunité s’est présentée avec le groupe Mercialys, propriétaire de la galerie marchande, d’où le fait que se lance là-bas - il n’a pas d’adresse à Bordeaux. Mais on espère que le projet fera des petits, et que le prochain sera ici ! »12 mois pour se testerAvant de se projeter - et de se dupliquer -, Geev Shop devra faire ses preuves. Durant un an, précisément. Le concept : une boutique où tout est gratuit dès lors qu’on est abonné à l’application, et qui permet tant de déposer que de récupérer des objets. En résumé, une version identique et physique de l’outil numérique. « Nos utilisateurs sont très contents de l’app, mais de temps en temps ils ont besoin de plus de praticité, reprend Hakim Baka. Poster des annonces une par une, organiser des rendez-vous pour les donner… C’est très utile pour de gros objets, mais il y a d’autres façons de travailler le sujet du réemploi, de l'éco-circularité. C’est d’ailleurs assez symbolique pour nous de créer un point de consommation responsable dans un univers plutôt lié à la consommation, voire à la surconsommation. »Un challenge, pour la startup girondine, qui devra trouver un modèle économique solide et pérenne à son shop. « Il faut que le nombre d’adhérents que la boutique draine couvre son coût de fonctionnement. On a été un peu précautionneux car le magasin ne sera ouvert que le vendredi et le samedi, pour limiter les charges et se concentrer sur les moments de fort trafic du centre commercial », explique notre interlocuteur, qui précise vouloir également cibler les professionnels présents dans la galerie marchande, en leur permettant de se débarrasser des produits abîmés ou de fins de séries plus facilement. « On s’est fixé des objectifs chiffrés, mais pour l’instant on ne communique pas dessus. »Créer des ponts entre les gensCôté numérique, Geev poursuit sa route, forte de 5,5 millions d’utilisateurs inscrits, dont 25.000 abonnés actifs. Et en huit ans, ce sont 28 millions d’objets qui ont été échangés via sa plateforme. Avec un chiffre d’affaires 2023 de 1,2 million d’euros et qui devrait progresser de 30% cette année, la société vise désormais un premier palier de rentabilité : celui de la partie CtoC, grâce aux abonnements, courant 2025. « Ce sera une très belle étape », se réjouit Hakim Baka. Côté BtoB, avec un marché « encore assez immature », le dirigeant ne communique sur aucun horizon. « On a nos premiers clients, six ou sept groupes qui ont embarqué avec nous depuis le début de l’année - dont Conforama, pour la reprise de meubles de leurs clients. Pour la partie des comptes professionnels [ndlr, qui donnent ou vendent à prix bradés des objets qu’ils ne peuvent écouler en boutique], nous travaillons avec Carrefour, Noz, Cora, Cash Converters et trois-quatre grands comptes qui devraient être signés d’ici la fin du mois », déroule l’entrepreneur.À Bordeaux, une expérimentation est aussi menée avec une poignée d’associations telles que Replay, qui revalorise des jeux et jouets. Geev leur permet trois choses, grâce à des comptes dédiés aux structures associatives : se positionner pour récupérer elles-mêmes des dons, mettre en avant des produits qu’elles vendent - très souvent dans des boutiques solidaires -, et donner les produits qu’elles n’arrivent pas à écouler. « On doit acter à la fin de l’année si on poursuit ce service, s’il est viable ou non. Mais si on arrive à créer les bons ponts entre les bons acteurs, on peut vraiment passer à un autre niveau d’impact et d’échelle », se projette Hakim Baka.Alors que Geev se rapproche de l’équilibre économique, l’entreprise a-t-elle trouvé un modèle pérenne, alors que tant de jeunes pousses de l’impact s’y cassent les dents ? « Nous sommes sur du temps long, d’autant plus qu’il s’agit d’une innovation d’usage, réfléchit le dirigeant. Regardons des exemples comme BlaBlaCar, cela prend au minimum dix ans pour arriver à quelque chose de mature. Nous, nous avons la chance de ne pas avoir vraiment de concurrents, mais notre challenge est que les gens donnent leurs objets, adhèrent à notre service. Et c'est de créer un modèle innovant qui ne vient pas cannibaliser ce qu’on fait. » Il conclut : « L’impact est provoqué par la pérennité. Et pour durer dans le temps, il faut aussi savoir choisir ses combats - on ne peut pas tout faire d’un coup. Je vois naître plein de boîtes et parfois, on sait directement que c’est trop, que ça n’ira pas très loin. » Et d’espérer que l’histoire de Geev, elle, s’ancre encore longtemps.