BTP : pourquoi le spécialiste du réemploi Patxa’ma est devenue une coopérative - Premium

Ne l’appelez plus jamais association. Aujourd’hui Patxa’ma a pris la forme juridique d’une coopérative. La néo-entreprise est spécialisée depuis sa création en 2019 dans le réemploi de matériaux de construction. Elle met en lien les acteurs de la déconstruction avec ceux qui ont pour projet de construire au Pays basque.Le projet, c’est à l’origine celui de deux hommes, Julien Simon et Olivier Hirigoyen. « Ils se sont rendus compte du nombre de déchets qu’il y avait dans le bâtiment », rappelle Morgane Chazelle, chargée de mission chez Patxa’ma qui compte aujourd’hui cinq salariés à plein temps. Ainsi, « notre gisement, principalement, vient des chantiers de déconstruction », explique la chargée de mission. Concrètement, Patxa’ma intervient avant le passage du démolisseur pour récupérer des matériaux de construction qui pourraient être réutilisés. Elle œuvre pour le compte de particuliers, de promoteurs, mais aussi et souvent des maîtres d’œuvre. « On vient relever les éléments valorisables », décrit Morgane Chazelle. Ensuite, soit elle arrive à les remettre dans le circuit d’un chantier en cours, soit elle le stocke dans son local situé en face du terminal Saint-Bernard du port de Bayonne. Un site de 550 m² mis à disposition gratuitement par l’Agglomération Pays basque. « On a un site internet pour mettre en vitrine nos matériaux pour qu’ils partent direct. » Cinq ans plus tard, le bilan est à la hauteur de l’enjeu : 250 tonnes de déchets ont pu être évitées par le biais de l’association, devenue coopérative.Réunir les acteurs du bâtiment dans la coopérativeMais cette année, l’association a pris un virage puisqu’elle a décidé de faire évoluer sa forme juridique vers une SCIC, Société coopérative d'intérêt collectif. « Il fallait ramener des acteurs du milieu autour du projet », justifie Morgane Chazelle. « La SCIC amène à se développer localement. » Ainsi, en passant à cette forme juridique, la SCIC a pu faire entrer des sociétaires professionnels du secteur : architectes, maitres d’œuvre, promoteurs, etc. Mais aussi des acteurs institutionnels que sont les communes, la Communauté d’agglomération Pays basque, ainsi que le syndicat mixte de gestion des déchets Bil Ta Garbi. « La coopérative permet de professionnaliser ce que nous faisons et de changer l’image du réemploi, déroule Morgane Chazelle. La structure associative avait certaines limites. » Financières déjà. « Il faut qu’on génère un minimum pour être rémunérés, l’association va avoir des limites sur la fiscalité », poursuit-elle. Une suite logique pour Patxa'ma à qui cette forme juridique permet désormais de « démocratiser le réemploi ». « On touche une expertise dans le bâtiment qui demande une certaine professionnalisation », insiste la chargée de mission. Le tout dans une gouvernance partagée rendue possible par la forme coopérative qui donne à la mission tout l’esprit de la « mission de service public de réduction des déchets » de Patxa’ma.Et justement, dans les axes de développement de la coopérative, Patxa'ma veut « développer le réemploi chez le professionnel et sortir du grand public ». Elle a pour y parvenir identifié des freins assurantiels. Autrement dit, quelle protection pour le promoteur ou le porteur de projet qui ferait appel à des matériaux de seconde main ? Peu d’assurances s’y risquent. « On a répondu à un appel à manifestation d'intérêt qui nous a permis d’avoir un financement qu’on a consacré à la construction d’un écosystème : un maillage d’assureurs d’entreprises, de la construction », explique Morgane Chazelle. « Pour qu’on travaille sur le reconditionnement, la traçabilité pour assurer nos matériaux. » En travaillant sur le sujet, la société s’est rapprochée de la MAAF qui a accepté d’assurer tous les matériaux de réemploi. « Ça va vraiment rassurer les assureurs des artisans, pour que eux puissent ensuite proposer leur décennale derrière. » La société espère développer à l'avenir des expérimentations avec les artisans.Ouverture d'une permanence sur siteEn parallèle Patxa’ma travaille sur un outil de gestion, une application qui permet d’avoir une véritable traçabilité des matériaux. « Ce logiciel nous permet d’établir une fiche qu’on peut transmettre aux assurances, aux projets expérimentaux, etc... » Parmi les développements, Patxa’ma veut aussi poursuivre ses formations. Jusqu’à présent principalement universitaires auprès de ISA BTP, l’Institut Supérieur Aquitain du Bâtiment et des Travaux Publics, mais aussi auprès de privés. « On a quelques demandes d’entreprises de la déconstruction qui souhaitent se former », poursuit la chargée de mission.Le réemploi a le vent en poupe, poussé notamment par la réglementation qui évolue rapidement. « Il n’y a pas d’obligation de réemploi, mais ça va être systématisé dans les marchés publics, il y aura un pourcentage de réemploi demandé à partir de 2025-2030 », indique Morgane Chazelle. Pour favoriser le réemploi, Patxa’ma développe sur son logiciel la possibilité d’indiquer pour chaque matériau et chaque projet la quantité de CO2 économisé.Si jusqu’à présent les particuliers étaient intéressés par la démarche, c’est parce qu’ils pouvaient consulter les produits disponibles et en acheter à moindre coût pour leurs travaux de rénovation. Patxa’ma espère désormais pouvoir se développer vers une clientèle professionnelle. Pour autant, elle ne veut pas fermer la porte aux particuliers. Au contraire. Dès cette rentrée, la jeune coopérative va faire des permanences de deux demi-journées par semaine sur site, pour permettre aux clients potentiels de venir voir les produits qui pourraient les intéresser.En 2023, celle qui n’était pas encore une coopérative bouclait un chiffre d’affaires de 145.000 euros. L’ouverture des permanences et le passage en sociétariat leur permet de viser une croissance de 20% cette année.Dans l'arrière boutique, les équipes de Patxa'ma rangent les matériaux récupérés sur les chantiers. Crédits : AM