Économie d'énergie 1/4. Les entreprises face au mur de la sobriété

Six ans après sa publication, le décret tertiaire peine à convaincre. Crédit : Adobe Stock
Depuis 2019, le décret tertiaire oblige les bâtiments de plus de 1.000 m² à réduire leur consommation d’énergie, avec des objectifs progressifs jusqu’en 2050. Malgré les efforts de certains grands groupes, près de 20 % des entités n’ont toujours rien déclaré.
Dans les bureaux comme dans les entrepôts, la transition énergétique entre dans une phase de vérité. Depuis 2019, le décret tertiaire impose à tous les bâtiments de plus de 1.000 m² de réduire leur consommation d’énergie. Objectif : -40% d’ici 2030, -50% en 2040 et -60% en 2050. Derrière cette trajectoire, un enjeu majeur pour les entreprises, se transformer ou risquer des pénalités financières, et une réputation ternie.
Issu de la loi Elan, le décret tertiaire vise à accélérer la réduction des consommations d’énergie dans le secteur tertiaire (qui regroupe l’ensemble des activités de services, c’est-à-dire qui ne produisent pas de biens matériels mais fournissent des prestations aux entreprises ou aux particuliers), responsable de près d’un tiers de la consommation finale française. Son principe est simple : chaque propriétaire ou exploitant de bâtiment de ce secteur doit mesurer, puis réduire ses consommations d’énergie, selon deux options. La première consiste à baisser de 40% sa consommation par rapport à une année de référence comprise entre 2010 et 2019. La seconde fixe un seuil maximal à ne pas dépasser, exprimé en kWh/m²/an, selon la typologie du bâtiment.
Une mécanique exigeante
Pour assurer ce suivi, une plateforme publique, Operat, gérée par l’Ademe, centralise les données de consommation des bâtiments concernés. En 2024, plus de 290.000 entités fonctionnelles assujetties y ont déjà été créées. Un chiffre en hausse, mais qui masque un revers : près de 20% des acteurs concernés n’ont toujours rien déclaré. Le principe est donc posé, mais la mécanique reste exigeante. Car à la clé, en cas de non-respect, la réglementation prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 7.500 euros par bâtiment, des mises en demeure et même la publication du nom des contrevenants.
Pour assurer ce suivi, une plateforme publique, Operat, gérée par l'Ademe, centralise les données de consommation des bâtiments. Crédit : Illustration Placéco.
Six ans après sa publication, le décret tertiaire peine à convaincre. Si le parc tertiaire français a déjà réduit sa consommation d’environ 22% par rapport à la décennie 2010-2019, selon l’Ademe, la moitié du chemin reste à parcourir pour atteindre les -40% en 2030. Les freins sont multiples. Les grands groupes ont, pour la plupart, entamé leurs plans d’action : rénovation de l’éclairage, automatisation des systèmes de chauffage et de ventilation, isolation ou pilotage intelligent des bâtiments.
Une contrainte ou un levier ?
Du côté des PME ou des propriétaires de bâtiments anciens, le chantier reste colossal. Entre contraintes budgétaires, manque de ressources techniques et incertitudes sur les aides, beaucoup peinent encore à se mobiliser. Les difficultés sont aussi structurelles : certains bâtiments historiques, notamment dans les centres-villes, ne peuvent être rénovés sans dérogation. D’autres sont occupés par plusieurs locataires, rendant le suivi énergétique complexe.
Si le décret tertiaire est perçu par beaucoup comme une contrainte, il pourrait devenir un levier d’efficacité à long terme. En obligeant les entreprises à mesurer, comparer et piloter leurs consommations, il les pousse à mieux comprendre leur usage énergétique. Pour les acteurs les plus agiles, la réduction d’énergie devient aussi un argument commercial : baisse des coûts d’exploitation, amélioration du confort des salariés, valorisation patrimoniale du bien.
En 2031, l’État procédera à la première vérification des objectifs fixés pour 2030. Les entreprises devront prouver leur réduction de 40%, ou déposer un dossier de modulation justifiant leurs contraintes techniques ou économiques.