À Bordeaux, le Grand Parc enfin labellisé Territoire zéro chômeur de longue durée - Premium

C’est l’aboutissement de plusieurs années de travail. Trois ans, précisément. Ce jeudi 11 juillet, la Ville de Bordeaux signe la convention d’expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » pour le quartier Grand Parc, aux côtés de la Préfecture et du Conseil départemental de Gironde. « C’est vrai qu’on en parle depuis longtemps. Maintenant, on va enfin pouvoir commencer à faire quelque chose, et notamment à recruter les premiers salariés », se réjouit auprès de Placéco Stéphane Pfeiffer, adjoint au maire de Bordeaux chargé de l’urbanisme résilient, du service public de l’habitat et de l’économie sociale et solidaire.Le principe de cette expérimentation est simple : personne n’est inemployable, mais tous les emplois ne correspondent pas forcément aux gens qui en cherchent un. « Donc plutôt que de faire entrer ces profils dans les cases existantes, on va plutôt regarder ce qu’ils veulent faire, et créer des emplois correspondant à leurs aspirations », reprend Stéphane Pfeiffer. Qui précise : « Une personne privée durablement d’emploi “coûte de l’argent”, entre les allocations chômage, le RSA, et derrière les problèmes de santé, donc les surcoûts pour la Sécurité sociale. La logique de cette expérimentation, c’est de travailler sur les coûts évités. Tout cet argent, initialement mis dans un pot commun, va servir à financer des emplois dits utiles pour la société, qui vont répondre à des besoins du quartier, dans une logique de transition environnementale par exemple.Les sociétés créées dans le cadre de l’expérimentation doivent avoir le statut EBE - entreprise à but d’emploi -, et être non-concurrentielles. C’est-à-dire des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), dont les activités ne sont pas déjà couvertes par le secteur privé du bassin d’emploi concerné. Mais, précise Stéphane Pfeiffer, il est possible de créer une EBE en se basant sur un autre critère : l’accessibilité d’une activité aux habitants du quartier. « Je sais qu’ailleurs en France, dans un territoire menant l’expérimentation, ils ont créé un service de VTC. On pourrait se dire qu’Uber, tout le monde y a accès, sauf que c’est trop cher pour les habitants du quartier. Donc on peut considérer que si on créer un service peu onéreux, avec par exemple une orientation par les travailleurs sociaux, on n’entre pas en concurrence avec ce qui existe. »Quatre pôle d'activité pour 20 à 25 emploisÀ Bordeaux, le quartier du Grand Parc compte aujourd’hui 11.000 habitants, dont 500 à 600 sont chômeurs de longue durée. Une cinquantaine de personnes ont pour le moment été intégrées à l’expérimentation, « pas plus car ça ne servait à rien tant qu’on n’était pas habilité », justifie l’adjoint au maire. Accompagnée de l’association Atis, la Ville a travaillé pour identifier les envies et les compétences de ces personnes. Tout en allant voir les habitants du quartier, en parallèle, pour identifier les services qui manquent dans le quartier pour créer de nouvelles activités. Bilan : quatre grands pôles ont été repérés, pour démarrer l’expérimentation. La conciergerie d’abord, « car Grand Parc est un quartier vieillissant, et beaucoup de personnes âgées peuvent avoir du mal à faire leurs courses, commente notre interlocuteur. Aussi, car on est à l’aune de huit à dix années de travaux dans la zone, le service de conciergerie pourra accompagner les commerçants dans leur relocalisation temporaire, informer les habitants ». Ce premier pôle devrait générer une quinzaine d’emplois.La deuxième activité se concentrera sur le principe d’une ferme urbaine, que la Ville entend créer derrière le centre social. « Ce n’est pas tout à fait acté, mais l’entreprise à but d'emploi est pressentie pour gérer le site », avance Stéphane Pfeiffer. Huit à dix emplois pourraient voir le jour, à la fois sur la partie production, vente et sensibilisation. Le troisième pôle d’activité sera lié au recyclage et à l’économie circulaire, pour traiter la problématique des encombrants traînant dans la rue. La municipalité bordelaise souhaite ouvrir une recyclerie dans le quartier, pour ramasser ces objets, et les réparer. « On travaille avec des partenaires déjà présents comme Amos, qui a une friperie dans le quartier. Plutôt que de créer une nouvelle activité, il s’agit de compléter l’existante. On pourrait aussi imaginer que le Garage Moderne qui est sur Bacalan et répare des vélos, ouvre une antenne sur Grand Parc, car il n’y a rien actuellement », déroule notre interlocuteur. Une quinzaine d’emplois, à terme, pourraient ainsi être créés. Enfin, le dernier pôle sera en lien avec la ferme urbaine, car il s’agira de ramasser des déchets organiques, et de travailler autour du compostage (4 emplois). « On développera d’autres pôles au fur et à mesure, mais d’ici la fin de l’année, je pense qu'on sera à 20 ou 25 emplois », se projette Stéphane Pfeiffer.Sont concernées des personnes privées d’emploi depuis plus d’un an, ou des personnes occupant un poste par défaut. « L’idée, c’est aussi de lutter contre les emplois subis, les boulots alimentaires », insiste Stéphane Pfeiffer. Parmi la cinquantaine de profils retenus, deux-tiers ont plus de 50 ans, et près de 30% sont reconnus en qualité de travailleurs handicapés. « Il y a également près de 40% d’aidants, qui sont elles-mêmes en difficulté et donnent une grande partie de leur temps pour accompagner un parent. »L’expérimentation est cofinancée par les trois parties prenantes de la convention fraîchement signée. La Ville a provisionné depuis trois ans une enveloppe à hauteur de 120.000 euros par an pour financer les EBE et le comité local pour l’emploi qui chapeaute le projet. Ensuite, chaque poste créé bénéficie d’une petite aide, puis le salaire est pris en charge à hauteur de 95% du SMIC, à la fois par l’Etat (70%) et par le Conseil départemental (30%). « Au-delà de la question du financement qui est majeure, le projet est très partenarial et a créé une dynamique de coopération assez rare. Les bailleurs sociaux sont très impliqués, Pôle Emploi a été absolument incroyable », conclut Stéphane Pfeiffer.