Le groupe hôtelier Eklo veut réduire de 30% l’impact carbone de ses nuitées d’ici 2030 - Premium

Quel est l’impact carbone d’un hôtel, et quels sont les postes les plus émissifs ? À ces questions, le groupe bordelais Eklo peut désormais apporter des réponses. Premier constat : chaque nuitée génère 18 kg d’équivalent CO2. S’il est difficile de trouver des données fiables pour établir une moyenne française dans le secteur, le fondateur et dirigeant d’Eklo, Emmanuel Petit, l’assure : « L’objectif d’un bilan carbone n’est pas de se comparer aux autres. C’est de se donner un point de départ et une trajectoire d’amélioration. » Et pour le dirigeant, le but est de réduire de 30% les émissions de gaz à effet de serre par nuitée, d’ici à 2030. Un impératif pour un groupe hôtelier, à l’heure de la transition environnementale et des politiques RSE à tout-va ? « Je ne sais pas, mais c’est notre raison d’être depuis la création d’Eklo, rappelle Emmanuel Petit. Ma volonté a toujours été de lancer un concept hôtelier plus responsable. Aujourd’hui c’est vrai qu’on en parle beaucoup plus, on voit les limites planétaires et les enjeux de la transformation durable deviennent urgents. Il faut savoir que l’industrie du tourisme et du voyage représente entre 8 et 11% des émissions mondiales de gaz à effet de serre… »Ce qui pèse le plus lourd, pour 71% des émissions carbone, ce sont les déplacements des clients d’Eklo. Une réalité difficilement compressible, et sur laquelle le groupe hôtelier n’a pas forcément prise. « Notre premier levier, c’est le choix de nos emplacements. On essaye d’en trouver à proximité des transports en commun pour faciliter la mobilité douce, on propose de moins en moins de parkings - d’ailleurs certains établissements comme celui de Bordeaux n’en proposent pas. En fait, on peut surtout agir une fois que le client est arrivé à l’hôtel… Mais un Américain qui vient à Bordeaux, forcément, va prendre l’avion », note notre interlocuteur. Ainsi, les seuls moments d’arrivée et de départ des hôtels pèsent pour 53% des émissions générées, et Eklo réfléchit à des leviers incitatifs, pour encourager ses clients à venir via des moyens de transport doux, comme des réductions, des bonus « ou quelque chose d’offert ».Eklo, qui a bouclé une levée de fonds de 35 millions d'euros l'an passé, dispose aujourd’hui de 11 établissements en France. Le groupe ambitionne d’en ouvrir deux ou trois par an dans les années à venir, pour en compter 25 d’ici cinq ans. Parmi les projets en cours, un hôtel ouvrira à Nantes, et un second sera implanté à Bordeaux. ☞ Le groupe, dont le chiffre d’affaires était de 18 millions d’euros en 2023, devrait dépasser les 30 millions cette année.Un vrai retour sur investissementSi l’on ne tient pas compte de la mobilité, les achats représentent le poste d’émissions le plus important pour le groupe bordelais, et sont aujourd’hui la priorité d’Emmanuel Petit. Tant sur le sourçage de matériaux plus vertueux, pour les phases de construction et d’aménagement, que dans le fonctionnement courant des hôtels. « On a un groupe de travail qui y est dédié, dans notre comité RSE, précise Emmanuel Petit. On cherche par exemple à embarquer toutes nos parties prenantes, on privilégie au maximum le local et le fabriqué en France. » Et de citer en exemple les prestataires de blanchisserie avec lesquels Eklo travaille pour améliorer les rotations ou livraisons, mais aussi la chaîne de restauration French Kiss, déployée pour le moment dans les établissements de Montpellier et Paris. « On ne travaille qu’en circuit court avec des produits frais, des producteurs locaux, on a une politique de gestion des déchets », égrène le dirigeant.Mais ces actions pour devenir plus vertueux ont forcément un coût. Si notre interlocuteur ne le chiffre pas - ou du moins ne le communique pas - il préfère se concentrer sur les retours sur investissement comme les économies sur les factures d’électricité lorsque le prix de l’énergie a explosé, grâce aux panneaux photovoltaïques ou aux ampoules LED. « Ce qui était un sur-investissement il y a quatre ou cinq ans à Bordeaux, est devenu un investissement complètement rentable aujourd'hui. » Après l’énergie, Eklo travaille ainsi sur la question des eaux grises - provenant principalement des douches - pour les récupérer, les filtrer et les renvoyer dans les toilettes. « On démarrera les tests en 2025 sur nos futures constructions. S’ils sont concluants, on fera en sorte de systématiser le dispositif, projette Emmanuel Petit. On sait déjà que cela aura un coût supplémentaire, mais c’est aussi un pari que l’on prend, en se disant qu’à terme l’eau coûtera beaucoup plus cher. Donc je pense qu’encore une fois, on s’y retrouvera. »Ces différentes pistes d’amélioration sont aujourd’hui regroupées dans une feuille de route baptisée « Cap 2030 », travaillée durant huit mois avec la CEC (Convention des entreprises pour le climat) de Nouvelle-Aquitaine. Elle s’articule autour de quatre axes : la construction écoresponsable et la sobriété énergétique, une offre de restauration responsable, la coopération avec les parties prenantes, et l’engagement social et la dimension humaine. Et sur ce dernier point, comment embarquer ses salariés ? « Beaucoup sont venus car ils adhéraient à nos valeurs, répond Emmanuel Petit. Forcément, c’est plus facile de les embarquer dans le développement d’une politique RSE. On a aussi mis en place un réseau baptisé Colibri [ndlr, en référence à l’écologiste Pierre Rabhi], et dans chaque hôtel des salariés se sont portés volontaires pour en faire partie. On leur dégage du temps pour qu’ils mettent en place des bonnes pratiques, on les réunis tous les six mois pour qu’ils se rencontrent et se tiennent au courant de ce qui est déployé. »EkloGroupe fondé en 2014Siège social à Bordeaux300 salariésCA 2023 : 18 M€ / Prévisionnel 2024 : 30 M€